Review of Qeqertarsuatsiaat / soirée Revue & Corrigée at la malterie

by Claude Colpaert / la malterie March 30 – 2016 :

“Accrochez-vous, Qeqertarsuatsiaat, c’est le titre du nouveau cd de Jérémie Ternoy (piano) Ivann Cruz (guitare) et Peter Orins (batterie), cd sorti en janvier 2016 chez Circum-disk, avec ce titre imprononçable, qui a de quoi refroidir, car il s’agit du nom d’un village… au Groenland. Attention, ce n’est pas du TOC, je veux dire ce n’est pas un disque de TOC, ce trio formé jadis par les mêmes musiciens, ce trio qui n’a pourtant pas fini d’enthousiasmer les foules, comme ça s’est passé ici, lors d’un concert à Lille Saint Sauveur, ou ailleurs, lors d’un concert au festival pyrénéen de Luz, Saint Sauveur également, tiens, tiens, curieuse coïncidence. TOC serait-il le sauveur de l’improvisation ? Ne nous emballons pas, je trouve néanmoins que TOC est très emballant. Quant à prononcer cette fois Ternoy-Cruz-Orins, T.C.O., « TCO », c’est quand même, vous l’avouerez, plus difficile que de dire Ternoy-Orins-Cruz, T.O.C., c’est-à-dire « TOC ».

Alors pourquoi ce changement d’appellation ? Pour marquer la différence : TOC est électrique, TCO est acoustique. TOC joue sur l’installation progressive de la transe, qui doit justement tout autant au rock dit « progressif » qu’à certaines démarches de la musique improvisée qui ont fait du crescendo leur marque de fabrique. TCO serait plus aéré, plus retenu, moins physique, plus mental. C’est l’impression que peut laisser la première écoute de Qeqertarsuatsiaat, (ouf, presque sans respirer) bien que cette écoute suffise pour capter l’évidente connivence dont font preuve Ivann Cruz, Jérémy Ternoy et Peter Orins (autrement dit CTO dans cet ordre-là, y’a aussi OCT si l’on commence par le batteur voire même COT, ça leur laisse de la marge pour leur avenir, quoi que COT, ça ne fasse pas trop sérieux, surtout quand on le répète deux fois).

Mais revenons au cd de OCT, TCO pardon,  dont la première impression de calme est trompeuse. Ce n’est jamais aride. Il y a dès les premières notes une acuité de tous les instants, une attention au déroulé musical, un discours certes en pointillé mais constamment tenu, qui peut conduire, dès les sous-entendus de la fin du premier thème mais surtout, en toute clarté, dans l’exposé du titre éponyme qui clôt le cd (titre que je m’empresserai de ne pas répéter), à une construction qui est bien la même chez TCO et chez TOC. Voici donc un cd tout à fait enthousiasmant, qui mérite d’être écouté en une fois, de bout en bout, comme un album-concept, commencé dans une ambiance énigmatique proche du silence et terminé dans une quasi-ritournelle, plus vive mais rappelant les mêmes motifs qu’au début du cd, avec un rythme plus marqué qui ressemble, inconsciemment sans doute, à celui du fameux Shaft d’Isaac Hayes.

Je terminerai en vous lisant la chronique du même cd, écrite dans le magazine nordiste Illico, par un rédacteur qui a commis l’irréparable en écrivant Ivann Cruz Y-v-a-n au lieu de I-v-a-n-n :

« Bien qu’ils prennent ici le contrepied acoustique des habitudes électriques prises au sein de leur trio TOC, le pianiste, le guitariste et le batteur maintenant bien connus sur les scènes improvisées du Nord et d’ailleurs ne sacrifient en rien à leur remarquable connivence. Forgée au fil d’une attention permanente à l’autre et d’une écoute acérée des idées de chacun, la musique de Jérémie Ternoy, Yvan (sic) Cruz et Peter Orins se crée dans l’instant de l’improvisation avec une acuité qui ne se dément jamais au fil d’un cd qui pourrait pourtant sembler à première écoute jouer davantage dans la retenue que dans la progression vers les transes rock qui font la réussite de TOC, fort acclamé l’an passé à St So ou bien au festival de Luz-Saint-Sauveur. Or il n’en est rien car tout ici frétille d’une intelligence réactive et créative, ainsi que d’une tension et d’une vigilance jamais relâchées. A coup sûr, voici déjà un des grands disques de cette année naissante. »

Je ne peux que partager cet avis, d’autant plus que c’est également moi le signataire de cette chronique.

On écoute Wakkanai, extrait du cd sus-cité.”